Il y a un mois, nous avons franchi un grand pas : le week-end de Holi (fête des couleurs), nous avons laissé les enfants 2 jours avec Brigitte et Julie, et sommes partis en amoureux à Bénarès! (aujourd’hui nommée Varanasi)
Bénarès a une image bien particulière en Inde, et pour nous étrangers, une forte portée symbolique : haut lieu de pèlerinages hindous, c’est surtout la “ville de la mort”, où les hindous les plus pieux rêvent de venir passer les derniers jours/semaines/mois/années de leur vie… où, s’ils n’en ont pas la possibilité, qu’à tout le moins leurs cendres soient répandues dans le Ganges à Bénarès… Ce qui doit leur assurer un meilleur karma dans leurs vies suivantes, je crois.
C’était la première fois que je quittais Madeleine, et je n’avais pas laissé Jojo depuis plus d’un an. Nicolas, lui, est plus habitué…
Ici vous ne verrez pas de temples, forts ou paysages grandioses, et nous n’avons pas perdu de temps dans les musées non plus. Visiter Bénarès, c’est arpenter les ghâts (quais descendant sur le Gange) en observant les 1001 scènes de la vie et de la mort religieuses hindoues : “pujas” (prières), purifications (ou bain ou lessive, la différence n’est pas toujours évidente à comprendre), méditations (séances de yoga qui, pour certains, ressemblent quand-même furieusement à des siestes, voir à des comas éthyliques, désolée pour le mauvais esprit) et bien sûr crémations (que nous lorgnons d’un œil le plus discret possible). Et c’est aussi faire un tour dans la vieille ville pour observer la foule commerçante indienne en action.
Foule des pèlerins en route vers les ghâts.
Vue de Bénarès quand on est sur le Gange.
On ne sait pas ce qu’ils attendent, mais bon, l’attente est l’activité principale dans cette ville. Par contre nous, on n’a pas eu la patience d’attendre que la vache parte pour prendre la photo.
Les barques de pêcheurs / promène-couillons, prêts à vous faire vivre l’expérience inoubliable de la balade sur le Gange pour une modique somme comprise entre 10 et 800 Rp (en fonction de votre pigmentation bien entendu).
On rencontre des gens bizarres sur les ghâts… Regardez l’homme à droite, 1m90, une bonne peau de roux, et l’attirail du parfait sage indou. En fait on croise beaucoup de gens venus visiblement de tous les continents et affublés de costumes de moines indous. Cela nous laisse une bizarre impression de manque d’authenticité, je veux dire par là qu’ils ont beau être tout d’orange vêtus et donner l’impression, au moins pour certains, que leur équipement n’est pas tout à fait tout neuf – acheté chez Décathlon (rayon aérobic / yoga ?), on n’arrive pas à y croire totalement ! Qui sont-ils vraiment ? Où vivent-ils toute l’année ? Se sont-ils installés définitivement en Inde et reclus dans un ashram ? (et ce n’est pas évident d’obtenir un visa de long séjour, lorsqu’on veut s’installer en Inde et ne vivre que de bonnes paroles de son gourou et d’eau fraîche !) Ou bien sont-ils assistants du chef-comptable chez Dell à Melbourne, et font-ils leur coming-out seulement lors de leur pèlerinage annuel à Bénarès ?
Eh oui, il y a même des musulmans à Bénarès !
Le soir, il y a la “grande puja du soir”, qui ressemble quand même un tout petit peu à la grande parade de Disneyland… Bon c’est vache de dire ça, mais ça paraît un peu trop “tourist-oriented” ! Il y a un genre de chorégraphie effectuée par 5 jeunes indiens qui ont fort visiblement été sélectionnés pour leur physique ! Ils agitent des bougies, générant des effets de lumières très photogéniques, ils lancent des fleurs et s’agenouillent en rythme. Et à intervalles régulier, des personnes de l’assemblée agitent des cloches, ces personnes sont choisies par les “prêtres”, et au lieu de choisir de “bons paroissiens”, ils sélectionne pour une bonne partie des touristes en short, marcel et birkenstocks.
Le 2ème jour, nous nous éloignons un peu des ghâts pour nous enfoncer dans les ruelles de la vieille ville.
Les fameux “bangles”, bracelets colorés que les femmes indiennes portent en telles quantités qu’il faut bien des échoppes qui leur soient entièrement consacrées.
Voici un “photo-sadhu” ! Pourquoi pas un “sadhu” tout court, me direz-vous ? Eh bien voici, un sadhu est un indou ayant choisi de vivre sa foi de manière assez extrême : il renonce à toutes possessions matérielles et passe sont temps à méditer / arpenter les routes de l’Inde, vivant de mendicité, troquant de la nourriture contre des bénédictions. L’équivalent de nos ordres mendiants ? Et il y a 2 sortes de sadhus :
Les photos-sadhus, qui portent une longue barbe, sont habillés de rose et d’orange avec des tas d’amulettes autour du cou, vivent uniquement dans les lieus de pèlerinage TOURISTIQUES et font leur commerce des photos que les touristes prennent d’eux. Et pour 20 roupies au lieu de 10, ils vous font un magnifique sourire (nous on a radiné, on n’a pas eu le sourire).
Et les vrais sadhus, qui ne sa lavent jamais les cheveux ni la barbe, se mettent de la cendre sur la tête, sont vêtus de haillons et, pour certains, abusent de la fumette (ben oui, rien de mieux qu’un peu d’herbe pour trouver le nirvana) à tel point qu’ils seraient bien en peine de sourire sur votre photo, voir même de relever la tête.
Donc maintenant vous serez prévenus, la prochaine fois que vous verrez une superbe photo de sadhu super photogénique, sachez que le photographe n’a pas grand mérite… Niark niark niark !!!
Une maman lave son linge dans le Gange entourée de ses tout petits…
…pendant que ses grands plient le linge déjà lavé ! Enfants modèles !
On peut aussi voir cette scène en : “la maman est lingère et lave le linge de ses clients, et au lieu d’envoyer ses enfants à l’école elle les fait trimer du levant au couchant”. En fait, c’est malheureusement plus probable. Même si elle a aussi sans doute un choix limité.
Sur les ghâts, une échoppe plantée au milieu de nulle-part, avec une femme et son enfant qui y dorment profondément en plein jour… Viva India !
Et pour finir, une rencontre étonnante… Alors que nous nous baladons dans les méandres de la vieille ville, le second jour, après quelques choix de directions audacieux, nous nous retrouvons forcément, comment dire, perdus… Dans des ruelles moyenâgeuses et, il faut l’avouer, un tout petit peu nauséabondes, et où chaque personne rencontrée veut, potentiellement, au mieux vous extorquer 10 Rp sous un prétexte obscur (vous cirer vos chaussures alors que vous portez des baskets, par exemple…), au pire vous offrir un thé drogué pour vous dépouiller de votre Nikon (c’est le Lonely Planet qui le dit…).
Et là, oh joie, nous demandons notre chemin à un souriant monsieur en costume religieux (mais pas sadhu, photo ou non !), et il nous fait signe de le suivre. Nous le suivons pendant bien 10-15 minutes, et il ponctue le trajet d’explications sur la ville et de questions sur nous. Alors nous nous disons vite : “gagné, on va probablement réussir à sortir de la vieille ville, mais il va nous réclamer de l’argent pour la visite…” Or en bons français que nous sommes, nous n’aimons pas nous faire imposer une dépense… Même si après tout, 10-15 minutes de marche pour nous sortir de ce coupe-gorge méritent récompense !
Alors, fatalistes, alors que grâce à l’homme, nous retrouvons avec soulagement le soleil des ghâts, nous sortons un bifton pour le service rendu.
Eh bien pas du tout, il a refusé nos sous avec le sourire, et nous a quitté après nous avoir donné des raisins secs “pour la prospérité” (ou un truc comme ça). Nous sommes restés un peu interloqués, et ravis de cette rencontre, peu habitués à un service “gratuit” pour nous les milliardaires occidentaux… (du moins dans les lieux touristiques. A Delhi, heureusement, c’est souvent différent.) Enfin on n’a quand même pas osé manger les raisins secs.
C’était vos reporters du dimanche pour radio – famille indienne…